UNE HISTOIRE DE LONGUE DATE...

Elle domine fièrement le bourg de Château-Chervix, aménagé sous sa forme actuelle dans le courant du XIXe siècle sur les versants sud et ouest d'une abrupte colline culminant à 418 mètres d'altitude.

Elle, c'est bien entendu la tour médiévale, qui témoigne de l'existence passée d'une forteresse érigée aux XIIe ou XIIIe siècle par les vicomtes de Limoges.

Du haut de ses 30 mètres, elle attire aisément les regards des locaux et des visiteurs de passage. Visible à plus de 8 km au nord (depuis la N20 à la sortie de Pierre-Buffière), elle offrait de surcroît un panorama exceptionnel depuis son chemin de ronde sommital non conservé aujourd'hui. Seul le Puy de Bar, point culminant de la commune à 534 mètres, masque un peu la vue au sud.

Cette vénérable tour et la petite forteresse qui l'entourait n'ont pas été bâties à cet endroit par hasard. Assurément peuplée depuis la Préhistoire, l'actuelle commune de Château-Chervix recèle des vestiges d'occupation humaine de toutes les époques ; le Moyen-âge y est particulièrement bien représenté : un atelier monétaire y a été installé à l'époque mérovingienne, on a donc battu monnaie estampillée Caro Vico en ce lieu vers le VIIe siècle. Caro Vico apparait ainsi comme l'origine étymologique de "Chervix", qui n'a pris cette graphie qu'à partir du XIIe siècle. Au Xe siècle, Château-Chervix est le chef-lieu de la vicaria carvicense, autrement dit une subdivision administrative commandant un territoire étendu sur plusieurs communes actuelles.

UN LIEU DE POUVOIR SECONDAIRE

C'est sans doute en lien direct avec ce statut de chef-lieu administratif, judiciaire et religieux que constituait Chervix au début du Moyen-âge central, ainsi que sa position relativement stratégique aux abords de la via lemovicana (l'actuelle D19 pour résumer), que les vicomtes de Limoges ont choisi d'implanter un site castral dominant directement Chervix (aujourd'hui simple hameau à l'ouest du bourg). Le château, dont l'enceinte ovale ne semble pas dépasser une quarantaine de mètres de diamètre maximal, a pu compter quelques bâtiments intérieurs venant s'ajouter à la tour pour composer l'équipement immobilier de l'ensemble. La tour, qualifiée le plus souvent de "donjon", prend également le qualificatif de "tour maîtresse" et remplit ici un rôle de marqueur de pouvoir et de puissance pour les vicomtes de Limoges. Château-Chervix est alors le chef-lieu d'une petite châtellenie, survivance de la vicairie carolingienne évoquée précédemment. L'installation d'un site fortifié assoit l'autorité des vicomtes et leur donne un espace où peut s'exercer directement leurs prérogatives, notamment en matière de justice.

Christian Rémy, spécialiste des châteaux limousins, situe la période de construction de la tour sous les règnes des vicomtes de Limoges Adémar V (1148-1199), Gui V (1200-1230) ou Gui VI (1230-1263), trois seigneurs qui ont été particulièrement actifs en leur temps et on fait bâtir de nombreux sites fortifiés sur leur territoire, dont Château-Chervix, la tour du Plô à Saint-Yrieix-la-Perche, Lastours ou encore Montbrun. Ces châteaux forment ainsi une unité architecturale avec leur donjon dit « tour carrée ». Notre tour déroge un peu à la règle avec un plan rectangulaire. Château-Chervix était, nous l'avons dit un chef-lieu de châtellenie secondaire et visiblement peu apprécié par ses possesseurs qui n’y ont semble-t-il jamais séjourné. On ne retrouve sur ce site, hormis la tour, que les traces d’un enclos ovalaire peu étendu avec de probables dépendances accolées au mur d’enceinte encore conservé sur deux à trois mètres d’élévations côté sud. S’agissait-il d’une enceinte interne, délimitant une haute et une basse-cour, ou du seul rempart qu’ait jamais connu le château ? On ne peut décider à l’heure actuelle. Des sources font état de murs s’élevant encore sur une quinzaine de mètres au XIXe siècle, ainsi que de la présence de fossés aujourd’hui invisibles. On se trouve donc dans une situation assez paradoxale avec une tour très imposante mais insérée dans un enclos fort réduit.