UN PEU D’ARCHITECTURE

 

Voyons maintenant les détails et particularités de cette fameuse tour. De par ses dimensions en plan (13,50 x 9,70 m) et en élévation (30 m), elle est l’exemplaire le plus grand de la série des tours carrées, qu’il convient mieux de qualifier de tours maîtresses ou donjons à contreforts plats. Ce sont en effet les larges contreforts aménagés sur les quatre faces de la tour et reliés à leur sommet par des arcades qui lui donnent son identité visuelle. Le plan rectangulaire de la tour de Château-Chervix induit un traitement différent sur les grands et les petits côtés : au sud et au nord, trois contreforts tandis qu’à l’est et à l’ouest deux seulement.

Sur le plan architectural, on remarque une grande homogénéité dans la construction, qui s’est manifestement faite d’une traite, sans reconstruction ni réaménagement ultérieur. La roche utilisée est locale, mélange de gneiss et de granit pour les encadrements des ouvertures notamment.

 

La tour est aménagée en quatre niveaux successifs :

         - le cul-de-basse-fosse d’abord, totalement aveugle, qui pouvait servir de salle de stockage ou de dépotoir ; d’une hauteur observable de plus de 6 m, il n’était pas ouvert sur l’extérieur puisque la porte d’entrée à la tour se trouve au sommet de ce premier niveau, sur la façade sud ; cette porte en arc brisé chanfreiné devait être accessible par une structure en bois, peut-être amovible ;

              - le deuxième niveau de 12 m de haut avait pour seul but de donner de la hauteur au bâtiment ; il était faiblement éclairé par de simples fentes de jours côtés est et ouest, et non des archères comme on pourrait le croire de l’extérieur, puisque ces ouvertures se trouvent bien plus haut que le niveau de sol, matérialisé par le larmier aménagé sur les quatre côtés ; de plus, la base interne de ces archères est biaisée pour mieux diffuser la lumière ; difficile donc de s’y installer pour décocher des flèches sur l’ennemi…

              - Un troisième niveau de 8,30 m de haut, disposant d’ouvertures sur les quatre faces : une porte sur les côtés est, sud et ouest et deux fenêtres sur le côté nord. Ce niveau était également le seul disposant de réserves dans les murs faisant sans doute office de placards de rangement. Si la tour a pu être habitée au cours de son histoire, c’était sans nul doute à ce troisième niveau, qui disposait d’ouvertures donnant sur des balcons reposant sur des boulins insérés dans les murs, dont on voit encore les trous (de boulin). Un tel aménagement a pu servir également dans un but défensif en tant que hourds ; l’usage comme latrines peut aussi être envisagé.

              - Le quatrième et dernier niveau était à l’époque aménagé sous combles ; on le sait grâce à des travaux de consolidation effectués au début des années 2000, travaux qui ont nécessité la pose d’un échafaudage ; une étude architecturale a pu être menée conjointement et a permis d’identifier les vestiges d’une toiture interne, invisible de l’extérieur. Cette toiture à deux pans couvrait la tour et était équipée d’un système de récupération des eaux de pluie.

Comme il était nécessaire d’accéder au chemin de ronde au-dessus, une porte et un escalier d’accès avait été conçus dans l’épaisseur de la maçonnerie côté ouest, quasiment invisibles de l’extérieur.

Grâce à une épaisseur des murs décroissante au fil des étages, la superficie des différents niveaux augmente au fur et à mesure que l’on s’élève dans la tour, passant de 30 à 58 m² au plus haut. Des retraites de maçonneries étaient donc prévues pour accroître l’espace et disposer les poutres soutenant les planchers.

 

L’élévation, importante, est délibérée afin que l’édifice soit visible de loin, marque le territoire et permette de le surveiller. Actuellement, malgré les quelques mètres d’élévation qui manquent au sommet, la tour est visible à des kilomètres à la ronde, notamment côté nord où on la voit très bien à la sortie de Pierre-Buffière sur la N20 direction Magnac-Bourg, à environ huit kilomètres à vol d’oiseau. Les tours comme celle-ci sont en fait un moyen d’affirmation du pouvoir seigneurial, au-delà de leur vocation première qui est bien entendu défensive. Elle domine le paysage en symbole de l’autorité des vicomtes sur ces terres et en repaire visuel du chef-lieu juridictionnel et administratif de la châtellenie, qui au demeurant n’était pas très étendue, puisqu’elle n’englobait que les anciennes paroisses de Château-hors-Chervix, Chervix-hors-Château, Saint-Priest-Ligoure et Freyssinet.